Il est le correspondant opérationnel de la campagne d’Emmanuel Macron en Guyane. Le sénateur et vice-président a accordé à Mo News, un entretien exclusif quelques heures avant le premier tour de l’élection présidentielle qui s’est déroulé le week-end dernier.
Avant tout, un mot d’actualité. Que retenez-vous des débats du dernier congrès auquel vous avez pris part ?
Ce que je retiens, c’est l’unanimité finale… ça ne semble pas si fréquent ! l’unanimité quant à l’acceptation de l’orientation proposée : l’autonomie. Unanimité sur l’obligation de passer par le consentement et l’adhésion de la population, plus difficilement acquise après débat et échanges. Position que j’exprimais dès 2008 dans mon ouvrage « Chemins pour la Guyane » : « Mon objectif clairement exprimé est donc de mettre la Guyane sous le régime de l’article 74. Cela ne pourra évidemment pas se faire sans l’approbation d’une large majorité des Guyanais. »
Les chances d’un vrai projet pour l’évolution statutaire sont-elles réunies ?
L’unanimité acquise au sein du congrès, il convient maintenant aux partis, aux élus, aux médias de créer, d’instaurer un climat de confiance, une osmose entre les élus et la peuple, qui cessera de percevoir le changement statutaire comme le simple désir d’élus locaux en quête de pouvoir supplémentaire. Le débat et l’information diffusée doivent être basés sur un diagnostic clair de la situation prenant en compte les aspirations profondes du pays ainsi que les anomalies la situation actuelle. Des propositions concrètes doivent être formulées dès maintenant et de manière permanente. Comme nous l’a montré l’évolution statutaire des deux iles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, qui toutes deux ont glissé de l’article 73 à l’article 74 de la Constitution, la mobilisation politique locale autour du projet est un élément fondamental, un préalable indispensable. Un consensus local fort sera la chance d’aboutir à cette évolution statutaire.
Vous avez en charge la campagne d’Emmanuel Macron en Guyane, avec quelle feuille de route ?
Je suis correspondant opérationnel de campagne d’Emmanuel MACRON en Guyane et Véronique JACARIA, maire de Saint-Élie, est présidente du comité de soutien à sa candidature. Nous avons fait le choix, ainsi que d’autres élus, de lui accorder notre parrainage dans la perspective de l’élection présidentielle. Vous me demandez avec quelle feuille de route ? Les accords de Guyane du 21 avril 2017 ont fixé une feuille de route pour l’action des pouvoirs publics pour les cinq années passées. Je l’ai signée et elle constitue toujours pour moi un fil conducteur fort. Certes le candidat MACRON, à l’instar de tous les autres candidats a dressé son programme national, mais j’ai veillé à ce qu’il y ait une déclinaison territorialisée « Guyane » de ce programme. Elle a d’ailleurs été adressée à tous les électeurs de Guyane.
Que répondez-vous à ceux qui estiment qu’il n’a pas répondu aux problématiques du département durant son mandat ?
Comme je vous le disais les accords de Guyane constituent un fil conducteur. Emmanuel MACRON, élu Président en mai 2017, s’est lui-même fixé comme feuille de route pour la Guyane, les accords de Guyane signés en avril 2017 par le Gouvernement de Bernard CAZENEUVE à la fin du quinquennat de François HOLLANDE. Lors de son déplacement en Guyane, le 27 octobre 2017, Emmanuel MACRON a précisé les orientations de mise en œuvre de ces accords en axant la priorité sur la santé, l’éducation, les infrastructures essentielles, la sécurité et l’immigration.
Parmi les 25 mesures principales qui constituent le plan d’urgence (PUG) décidé en Conseil des ministres et valorisé à 1,086 milliard d’euros, seules les mesures relatives aux cessions foncières restent à finaliser. Sur les 171 sous-mesures du PUG et des accords thématiques, 155 sont mises en œuvre ou en cours de l’être… Non seulement l’État a financé le milliard d’euros du PUG mais a aussi dépensé 90% des financements du plan additionnel traçant ainsi des perspectives pour poursuivre le développement de la Guyane. Donc si Emmanuel MACRON n’a pas répondu aux problématiques de la Guyane, c’est que les accords de Guyane n’y répondaient pas.
Quelles garanties propose-t-il pour une véritable prise en compte de nos problématiques ?
Son bilan plaide pour lui. Non seulement les engagements pris lors des accords de Guyane ont été tenus mais ils ont été largement dépassés. Et heureusement car la situation de la Guyane évolue vite.
Par exemple pour le RSA. L’engagement pris était d’abonder le fonds de compensation du RSA pour le porter à 50M€ par an. Or le constat a vite été fait que cela ne suffirait pas. Le Gouvernement a donc pris la décision suite à la demande de Rodolphe ALEXANDRE de recentraliser le financement du RSA en Guyane dès 2020, déchargeant d’autant le budget de la CTG. De même en 2019 la CTG signait avec l’État un Contrat de convergence et de transformation prévoyant près de 300M€ d’investissement supplémentaire de la part de l’État car l’enveloppe du PUG ne suffisait pas.
D’autres problématiques avaient tout simplement été oubliées dans les accords comme les finances des communes. Là encore on a vu en 2019 une évolution du Gouvernement sur cette question suite à une prise de parole du Président de la République lors du grand débat avec les élus ultramarins. Mon rapport, publié en décembre 2019 sur les finances des communes et départements d’outre-mer, rédigé avec Jean-René CAZENEUVE, pointait également les faiblesses structurelles des budgets des communes ultramarines. Le Gouvernement s’est alors engagé sur un rattrapage des dotations aux communes d’outre-mer sur 5 ans. Compte-tenu de l’urgence de la situation et de la crise sanitaire, ce rattrapage a finalement été accéléré et ramené à 4 ans. A terme, en 2023 cela représentera chaque année un gain de 18M€ pour l’ensemble des communes de Guyane, environ 70% d’augmentation en 4 ans.
Il se dit que Rodolphe Alexandre ou vous-même pourriez faire partie de son gouvernement en cas de réélection ?
Dans une élection, la victoire n’est jamais acquise quand bien même Emmanuel MACRON serait donné vainqueur dans les sondages. Donc la question ne se pose pas et pour ma part je suis candidat à rien.
Derrière la présidentielle, les législatives. Vous soutiendrez des candidats ?
J’ai des affinités avec certains candidats que je soutiendrai. La liste des candidats est-elle exhaustive ?
Que retenez-vous de votre action en tant que vice-président du Sénat ?
Être Vice-président induit des obligations supplémentaires (représentation, délégation du Président …) qui viennent s’ajouter au travail habituel d’un sénateur. Faire partie du bureau du Sénat vous donne l’avantage d’être en « amont des dossiers, » d’avoir en quelque sorte une longueur d’avance mais ne vous garantit pas forcement le résultat.
C’était un « poids » de plus pour peser dans la défense de nos intérêts ?
Une plus grande visibilité certes. Mais cette vice-présidence est avant tout une reconnaissance par mes pairs du travail que j’effectue au Sénat depuis mon arrivée en 2008. Constance et efficacité qui m’ont valu d’être élu à 3 reprises par les grands électeurs de Guyane. lors de ma première présidence, je n’ai pas pu m’empêcher d’avoir un sentiment de fierté pour la Guyane, après Gaston MONNERVILLE (22 ans de présidence), après Jules PATIENT, mon oncle, lui aussi sénateur de la Guyane de 1948 à 195
Par Hermann ROSE-ELIE / Photos : CTG et DR