MO NEWS TV – À l’avant-veille du second tour, Jean-Victor Castor, candidat aux élections législatives dans la première circonscription, revient sur son projet pour la Guyane. Arrivé en 2e position des votes avec 17,30% des suffrages exprimés, le candidat du MDES, désormais soutenu par le Parti Socialiste Guyanais (PSG) et Nouvelle Force de Guyane (NFG) l’assure : sa candidature est « préparée en termes de contenus politiques ». Interview.
VIDEO
Vous attendiez-vous à ces résultats dans l’Île-de-Cayenne ?
C’est surtout à Remire-Montjoly qu’il y a eu une belle surprise. Maintenant, ce que je veux dire, c’est que on a travaillé. C’est une candidature qui est préparée, préparée en terme de contenus politiques, de bilan de nos prédécesseurs sur les aspects logistiques, financiers, sur la communication… On a une vraie direction de campagne et on s’est donné les moyens d’atteindre cet objectif. Maintenant, ça se joue à deux tours. C’est comme ça et les cartes sont rebattues et nous pensons vraiment y aller pour la victoire, nous sommes très enthousiastes.
La gestion de la crise sanitaire est-elle devenue un thème prépondérant dans cette campagne ?
C’est ça. Je me suis vraiment positionné suite à cette crise, mais pas sur la crise en elle-même. Ce sont les mesures qui ont été prises et la disproportion qu’il y a eu entre les effets de la crise sanitaire, la pandémie et les mesures liberticides qui ont été prises. Par exemple, très clairement une fois que je serai député, avec ma remplaçante Emilie Grand-Emile, je me battrai bec et ongle pour que tous les soignants soient réintégrés. Ça, c’est très clair. Et je les réunirai. On va se mobiliser et je pense qu’on obtiendra ce résultat parce que, tout simplement, il y a un désert médical ici et si vous regardez bien, il n’y a jamais eu de bilan de fait sur le nombre de kinés qui ont fermé, le nombre d’infirmiers libéraux qui ont fermé et tous les paramédicaux… Le nombre de médecins qui ont quitté leur fonction, que ce soit dans le milieu hospitalier ou dans le libéral.
Acceptez-vous qu’on qualifie votre candidature comme étant « militante » ?
Et bien, je suis militant, ça c’est clair. C’est une candidature qui concerne l’ensemble du territoire. Je serai député de la Guyane, je serai député de l’ensemble des habitants de la Guyane, pas simplement des électeurs d’ailleurs. Et donc ma responsabilité est lourde et elle couvre toute cette dimension-là, ces deux dimensions là. Donc, à partir de ce moment, on ne peut pas considérer que c’est uniquement un problème d’activités militantes. Moi, j’aurai à revenir ici, à rencontrer les gens, à consulter sur les lois. Des lois qui nous sont pondues et qui sont, régulièrement, inadaptées. Ducoup, je serai aussi un député qui va prendre des initiatives. Parce qu’en fait, il s’agit de faire prendre conscience à la population de la situation du péyi est en train de s’effondrer.
A quels niveaux ?
Je l’ai dit et je le répète et nous sommes dans une spirale infernale avec des fléaux qui sont difficiles à rattraper et à combattre, à conjuguer. Je parle de la drogue, je parle des armes qui circulent, je parle de la corruption et dans tous les pays où ça existe, c’est très difficile après. Donc oui, il y a un vrai sujet. Nous sommes dans un pays qui n’est pas développé, que la France ne souhaite pas développer. Donc il s’agit de prendre une autre direction avec une candidature qui aura un caractère très particulier, très singulier. Ce n’est pas de l’originalité, c’est vraiment un regard porté sur l’action qui a été menée par nos anciens parlementaires et les possibilités qui nous sont ouvertes par cette fonction. Par exemple, dans le travail diplomatique à faire à l’international, dans le travail, on va dire juridique en termes de saisine des juridictions, y compris au niveau de la Cour européenne de justice. Et puis bien sûr, comme je l’ai expliqué, un travail particulier en dehors du travail de la tribune au Parlement, un travail particulier au niveau des administrations déconcentrées de l’Etat puisque c’est là que se passent vraiment la déclinaison des lois, des arrêtés et de la réglementation. Et le quotidien des gens, c’est là que les entraves se font. Et moi, j’irai taper à la porte de cette direction pour passer le mot, demander des explications, mais faire en sorte que ce soient des directions d’administrations qui aident à l’accompagnement et non des directions qui entravent le développement.
En quoi votre programme est différent de celui d’Yvane Goua ?
Je ne sais pas ce que ce qu’elle apporte. Moi je sais ce que j’apporte comme débat public. Moi, je, quand je parle de la restitution du foncier, je sais que la première initiative que je prendrai, c’est qu’avec les moyens, mes moyens de parlementaire, je ferai venir quelqu’un comme Monsieur Mapou (Louis Mapou est un homme politique kanak, indépendantiste, de Nouvelle-Calédonie) qui a été le premier directeur de la structure qui a permis la restitution du foncier, pour ensuite le redistribuer en tenant compte des revendications, des aspirations des peuples autochtones, mais en tenant compte aussi des aspirations et des revendications, des souhaits de l’ensemble de la population de la Nouvelle-Calédonie, de la Kanaky.
Donc, en clair, moi j’ai des propositions qui sont extrêmement concrètes. Le quotidien des gens est très important, mais il faut dégager des perspectives parce qu’il ne faut pas faire croire aux gens qu’en bouchant des petits trous à droite et à gauche on opérera le virage qui va nous permettre de rentrer pleinement dans le développement.
Comment boucher ces « petits trous » ?
Moi, je sais que l’atout principal que nous avons en dehors de nos ressources, le foncier, l’eau, nos ressources minières, nos ressources halieutiques, notre forêt, de biodiversité, c’est le développement des filières du primaire pour arriver à un développement endogène d’accumulation de richesses. O a de la matière grise ici, une matière grise. Quand je dis la matière grise guyanaise, elle est ici en Guyane, elle est aussi dans la diaspora, à l’extérieur. Et moi, je le répète, je veux créer des conditions pour qu’on ait des dynamiques d’expertise dans notre pays. Et vous savez, à partir du moment où vous avez une expertise technique, vous avez une expertise administrative que vous savez où vous allez politiquement. Et si financièrement vous cherchez les moyens d’avoir une capacité, une autonomie financière, vous pouvez presque parler. Je ne vais pas dire d’égal à égal avec l’administration de l’Etat ou avec le gouvernement. Mais voilà, on ne peut pas rester aussi faible dans tous les domaines d’activité dans toutes nos institutions. Et pour moi, c’est un enjeu prioritaire. Et pour le faire, il faut qu’on soit unis. Il faut rassembler, il faut réconcilier et je pense je pense très sincèrement pouvoir le faire. Avoir le profil pour le faire.
Qu’est-ce qui pourrait être amélioré au niveau du travail législatif pour une meilleure application des Accords de Guyane ?
Il faut bien les lire, les accords de Guyane. Les accords de Guyane sur le volet 2, points de convergence, l’Etat ne s’est jamais engagé clairement. Ils ont listé parce qu’à l’époque ça avait été fait avec les élus et le collectif Pou La Gwyann Dekole. Ils ont listé de grands chantiers nécessaires à l’aménagement du territoire et des équipements publics, mais sans engagement ferme. Ce n’est pas parce que c’est au Journal officiel la rédaction de ce volet deux ne dit pas clairement que c’est applicable. Par contre, c’était un tremplin. C’était un moyen d’introduire le sujet et d’entamer des négociations sur ce volet 2. Je veux dire par là que moi je prends acte de ça. Je sais que ça existe, mais en cinq ans, la Guyane, elle, a largement évolué. Donc sur cet accord de Guyane, c’est un compromis à un moment donné, en 2017, nous sommes en 2022. Il y a une évolution de la société guyanaise encore. On avance à grands pas. Le nombre d’habitants la nature, le contenu démographique de notre population et puis les problématiques, les problématiques, elles s’amplifient. Je rappelle qu’il y a 5 ans nous étions à 30 % de population sous le seuil de pauvreté. Cinq ans après, nous sommes passés à 50 %. Donc ça ne peut pas être le même diagnostic, on ne peut pas rester sur les mêmes accords. Il faut aller beaucoup plus loin. Alors déjà, je l’ai répété très clairement, je ne siégerai pas au sein de la majorité du gouvernement, du président de la République. Ça, c’est très clair. Ni des Républicains, ni du Rassemblement national. Après, on va attendre. C’est comme on dit chez nous. On va acheter ça dans sac. NUPES, pourquoi pas ? Mais plus les groupes sont grands, vous avez moins vous avez de possibilités.
[…] Et puis bien sûr, bien sûr, c’est encore mieux s’il y a un appui sur le positionnement pour les grands dossiers. Voilà, si je suis dans un groupe et que le groupe n’est pas du tout d’accord pour la restitution du foncier, ça va être un peu compliqué.
Si on n’est pas d’accord pour qu’on aille vers une autonomie la plus large possible, ça va être un problème. Mais je pense que ce sont des débats qui évoluent et en tout cas, je me charge de le faire évoluer dans la prise de conscience de cette assemblée et du groupe auquel j’appartiens.
Un message pour les abstentionnistes ?
Mais il faut, il faut y aller. Je comprends leur déception. Je comprends le désamour vis-à-vis de la classe politique. Dans tous les cas ce sera la première fois, parce que je suis convaincu qu’on y arrivera, que quelqu’un de mon profil sera élu député et je pense qu’il faut saisir cette opportunité. C’est le moment. Surtout pour la Guyane, surtout pour la population guyanaise. Et depuis le début, on n’a jamais eu de députés avec ce profil là. Après, il faut remonter très loin. C’était Léon-Gontran Damas. Alors moi, j’aime bien m’inspirer de Damas. Il n’avait pas le même positionnement idéologique et politique, mais par contre la même analyse politique du pays. Quand vous lisez ses livres, il n’y a pas beaucoup de changements. Il y a plus d’habitants. Mais dans les rapports sociaux et les rapports politiques, les rapports entre l’administration et nous, rien n’a changé.